Moi je... Cyril Akpomedah
À 35 ans, l’intérieur de Monaco, Cyril Akpomedah (2,03 m), est un personnage aussi sympathique qu’atypique. Venu au basket sur le tard, il a effectué une superbe carrière tout en développant, à côté du basket, des activités correspondant à ses passions. Il raconte…
À l’origine…
Mes origines ? Il n’y a rien d’exceptionnel, je suis Nigérian par mon père et Polonais par ma mère. Ils sont arrivés en France, se sont rencontrés et mes frères et sœurs et moi avons grandi en région parisienne. Je suis né à Enghien-les-Bains, dans la banlieue Nord-Ouest de Paris et, avec mes quatre sœurs et mon frère, on habitait à Épinay-sur-Seine. Ma double, voire triple culture ? C’est devenu plutôt classique ce métissage. Bon, c’est sûr qu’il a fallu que j’attende d’arriver à Cholet, au centre de formation, pour découvrir à quoi ressemblait un hachis Parmentier ou d’autres plats traditionnels français. Avant, j’avais surtout connu des plats africains ou les saucisses polonaises… La famille de ma mère vient surtout de Turów, une ville située dans l’Ouest du pays et… de pas mal d’autres villes aux noms imprononçables ! Ces origines ont fait qu’à une époque, surtout au moment de ma sélection en Équipe de France (avant l’Euro 2005, ndlr), j’ai été approché à la fois par la Fédération Polonaise et par le Nigéria. Il y avait des opportunités intéressantes, notamment avec le Nigéria, mais le pays avait pas mal de difficultés à rassembler tous les joueurs. Moi, ça m’intéressait, mais si tout le monde venait. Franchement, j’ai été tenté mais… ça ne s’est pas fait. Je n’ai qu’un passeport français mais je pourrais facilement avoir les deux autres…
Enfance, école, autres sports, découverte du basket…
Gamin, j’ai touché à beaucoup de sports. De l’athlé, des sports de combat, du tennis, etc. Le basket, ça a été mon dernier sport. Je l’ai découvert vers mes 15 ans. Un peu comme tous les mômes de l’époque, à travers les cassettes de Jordan. Et puis, ma mère m’a offert un ballon pour mes 15 ans parce que… j’étais grand ! Deux de mes sœurs ont commencé en même temps que moi et Okerielle, la plus grande, a joué en Pro avec Bourges alors que la plus petite, Efevode, est allée au Centre de Formation. J’étais un gamin curieux, intéressé par des tas de choses. J’ai appris plein de trucs à travers des cours par correspondance par exemple, mais l’école, non, ça ne m’a jamais passionné… En fait, c’est allé assez vite, puisque je me suis retrouvé à Cholet un peu moins d’un an après avoir commencé le basket. Honnêtement, je pense qu’ils m’ont pris au début… pas tellement pour mes qualités basket, mais plus pour un côté athlétique que j’avais pu développer en faisant du triple saut par exemple. En fait, j’ai su péter un dunk avant d’être capable de mettre un lancer-franc…
Le Centre de Formation et la découverte de l’univers pro…
En débarquant à Cholet, l’adaptation n’a pas été facile. J’étais un vrai Parisien, pur et dur, et quand tu arrives, tu as un peu l’impression qu’il n’y a que Paris qui existe avec… rien d’intéressant autour. Je voulais repartir au plus vite ! Côté basket, j’ai progressé plutôt vite, mais à Cholet, à l’époque, il y avait tellement de potentiels qu’il était difficile d’avoir du temps de jeu. Il y avait Claude Marquis, Aymeric Jeanneau, Stephen Brun, Stéphane Dondon, Cédric Ferchaud, Olivier Bardet, Régis Boissié, Jean-Paul Atticot (décédé tragiquement d’une crise cardiaque, lors de la saison 1999-2000, alors qu’il était à Dijon, ndlr)… La mort de Jean-Paul, ça a été un vrai choc ! Tu ne t’y attends tellement pas. On avait grandi ensemble à Cholet et, même si c’est arrivé des années après l’éclatement à travers le pays de notre génération, on a partagé des années très importantes à l’échelle d’une vie. Pour nous tous, ça a été un choc… Après Cholet, comme l’effectif était très riche, j’ai choisi d’aller chercher du temps de jeu à Châlons-en-Champagne, qui était alors en Pro A. Ces décisions-là, quand tu es jeune, elles sont compliquées. Tu cherches un endroit où tu pourras t’épanouir, mais tu n’es jamais sûr de rien. Châlons, ce n’a pas été une mauvaise décision. Le club est descendu à l’issue de ma première saison, mais pour moi, ça a aussi été l’occasion d’avoir un vrai rôle et de progresser…
Parcours, choix de carrière…
Ensuite, je reviens à Cholet… j’avais d’autres propositions, mais Cholet disputait une Coupe d’Europe et cela me donnait plus de chances de jouer. J’y passe 2 ans, une saison avec Erman Kunter et une avec Ruddy Nelhomme. Je progresse doucement et j’explose un peu lors de la seconde saison (14,7 pts et 6,5 rbds en ULEB Cup). Là, je suis convoqué pour un stage avec l’Équipe de France, à L’Alpe d’Huez. Le Nigéria, à la même époque, me met la pression pour que je vienne et… c’est un peu compliqué à gérer, avec l’idée que quoique tu fasses, tu vas décevoir soit une partie de ta famille, soit des gens du basket qui t’ont formé et qui te disent : tu as fait toutes tes gammes en France, c’est plus logique que tu joues avec les Bleus. Chacun te culpabilise, sans même le vouloir. J’ai eu un vrai chaos mental à un moment… Ensuite, j’ai de belles offres de plusieurs clubs, mais je choisis d’aller là où mon coach actuel était, Savo Vucevic (son coach à Monaco et alors entraîneur de Charleroi). Je le connais depuis tout petit, à l’époque où il coachait à Bondy. Et puis, j’avais envie d’une expérience à l’étranger aussi. Malheureusement, le coach a été remercié pas très longtemps après mon arrivée. Ce n’est jamais très bon, ça, car quand le nouveau arrive... La seconde saison, je pars en Bosnie (au Siroki Brijeg) et… je vis l’une des expériences les plus riches de ma carrière ! Là-bas, le basket, c’est juste la folie ! Côté vie, c’était assez compliqué. Le pays était encore assez fermé. Il n’y avait pas beaucoup de Noirs dans le championnat, quatre dans toute la ligue, dont trois à Siroki. Dans la ville elle-même, nous étions bien intégrés, mais ailleurs c’était parfois limite ! Mais nous avions un coach qui avait pas mal bourlingué en Europe et faisait tout pour nous mettre dans les meilleures conditions. Tu sais, là-bas, gagner à l’extérieur, c’est plutôt rare. Il me semble qu’on a été la première équipe à gagner les finales sans avoir l’avantage du terrain. Quand on bat le Bosna Sarajevo chez eux pour le titre, on a dû vite fuir vers les vestiaires et y rester enfermés deux heures et demie. Ta Coupe, tu la reçois là, dans les vestiaires, et on t’y enferme le temps d’évacuer la salle et ses environs pour que tu puisses enfin sortir sans trop de risque. Mais cette ambiance, c’était juste génial ! Complètement dingue !
Les années BCM…
Ensuite, je reviens à Paris, mais ce n’était sans doute pas la meilleure période pour signer là-bas. C’était l’année de la fusion entre Paris et Levallois. Ce n’était pas du tout ce à quoi on s’attendait et… c’était vraiment mieux de passer vite à autre chose… Du coup, mon choix pour Gravelines, encore une fois, c’est aussi un peu à cause du coach (Christian Monschau), que j’avais déjà eu à Châlons. Je voulais pourtant continuer mon aventure à l’étranger, je me suis dit que j’allais pouvoir retrouver une stabilité et un environnement que je connaissais bien… L’ambiance à Gravelines est vraiment chaleureuse. Je me suis très bien entendu avec les joueurs, les dirigeants, le staff et les supporters. Certains sont devenus des amis maintenant. Franchement, je ne pensais pas rester six ans mais, de fil en aiguille, j’ai prolongé sans même avoir à trop y réfléchir. Et je suis honnêtement très, très heureux de mon séjour là-bas et, même en dehors du basket, cela restera comme une expérience de vie formidable…
Son jeu et son évolution…
C’est vrai que mon jeu a évolué au fil du temps. Je n’allais pas faire toute une carrière sur mon jump et le dunk ! Mais surtout, tu évolues en fonction de ce que les coaches attendent de toi. Certains vont t’utiliser plus sur les aspects défensifs, alors que d’autres vont avoir besoin de tes points. Le truc, c’est qu’avec la maturité, tu apprends à faire ce qui répond au besoin de l’équipe. On m’a souvent recruté pour ma mobilité, ma capacité à switcher sur les grands, les petits. Pour mes qualités de contre aussi. Mais il y a aussi eu des années où j’ai dû tenir la baraque en attaque. Cette polyvalence, je crois que les coaches l’ont apprécié chez moi. C’est vrai que c’est parfois un peu frustrant quand on ne voit en toi qu’un défenseur, parce que tout le monde aime bien briller en attaque. Moi, ce que j’aime, c’est juste de gagner. Les stats pour les stats, c’est inintéressant. Venir à Monaco, oui bien sûr que la présence de Savo Vucevic a joué. Mais c’est surtout le challenge d’aller chercher la montée que je trouve excitant. Cela ne va pas être facile, parce que tout le monde sait très bien que s’extraire de la Pro B n’a rien d’évident…
Passions et "après-basket"…
Mes vidéos à Gravelines ? Oui, à la base, je faisais des résumés des rencontres et d’autres vidéos juste pour moi et des amis, pour m’amuser. J’ai toujours été branché informatique et nouvelles technologies et comme je les produisais de toute façon et que j’ai vu que les quelques-unes que j’avais postées plaisaient, j’ai trouvé ça sympa de les partager. Mais bon, il y en avait aussi plein d’autres qui sont restées… disons, à huis clos ! J’ai des passions, des goûts très éclectiques. Je fais pas mal de choses à côté du basket, notamment avec mon frère qui vit aux États-Unis. En ce moment, on s’occupe de monter des terrains de sports et des écoles au Kenya et nous espérons intervenir dans d’autres pays. On a développé un site, beownsports.com, et je suis en contact avec des équipes professionnelles de différents sports pour organiser des stages et camps… Le but est de donner une éducation aux jeunes là-bas à travers le sport et qu’ils aient une chance de faire quelque chose, ce qui est très dur aujourd’hui dans le monde dans lequel nous vivons. J’ai un fils, qui a deux ans. Il a déjà son petit panier… normal ! Mais il fera ce qu’il veut, je ne serai pas du genre à le pousser à tout prix vers ça. Si ça lui plaît, il jouera, mais sinon… Je ne sais pas si je veux reproduire le schéma de famille nombreuse dans laquelle j’ai grandi. Avec ce que je souhaite faire après le basket, il se peut que je voyage beaucoup. Donc, ça peut être compliqué. Mais bon, si ça se trouve, j’en voudrai un deuxième dans les 6 mois. Je ne me suis pas projeté dans un schéma bien précis… C’est vrai que je suis un peu atypique dans le sport pro. D’abord parce que je prévois, depuis un moment, beaucoup de choses pour l’après-basket. Et puis j’ai beaucoup voyagé, que ce soit pour le basket mais aussi en dehors, dès que j’en ai l’occasion, et ça vous ouvre les yeux sur pas mal de choses. Tu sais, le sport, dans ma vie, aura représenté énormément et apporté un maximum de choses, mais je n’ai jamais voulu me contenter de ça. Moi, j’aimerais pouvoir rencontrer des tas de gens venus d’horizons divers, d’autres sports, d’autres cultures. M’ouvrir au monde. Alors atypique, oui, parce que je n’ai jamais cru que celui-ci se résumait au parquet et à la jolie petite cage dorée dans laquelle on vit quand on est sportif professionnel…
(Source : LNB.fr)