ITW Décalée : Jean-François Martin
Après avoir publié tout au long de la phase aller des interviews décalées des joueurs de Cholet Basket, nous vous proposons aujourd'hui de découvrir l'entraîneur de l'équipe Espoirs, Jean-François Martin.
Peux-tu évoquer ton parcours ?
J’ai commencé le basket en 1976, le club venait de se créer en 75. J’habitais le quartier de la choletière, et le foyer du club s’est installé rue de la Rochefoucauld, sur les terrains extérieurs du collège Du Bellay. Avec un copain de quartier, Etienne Rigaudeau, on allait sur les terrains là-bas et on a pris notre licence à l’association. Moi j’ai fait mon parcours de Poussin, Benjamin, Minime, Cadet, et puis j’ai été partenaire d’entrainement avec l’équipe de Nationale 2 à l’époque entrainé par Tom Becker, le premier coach américain à Cholet. Il a fait monter l’équipe en Nationale 1. C’est un peu lui qui m’a donné la fibre de l’entrainement, qui m’a intéressé aussi au basket américain, et c’est ce qui m’a amené aussi à passer par la suite mes diplômes d’entraîneur, et à aller faire plusieurs séjours aux États-Unis dans les universités l’été, justement pour développer des compétences.
Le souvenir le plus mémorable de ta carrière ?
Dans ma carrière de coach, le point important, c’est que j’ai passé mon brevet d’état, j’ai toujours été entraîneur à l’association. Et l’année où Thierry (Chevrier) a quitté Cholet en tant que joueur pour être entraîneur-joueur à Angers, il m’avait demandé à ce moment-là de l’assister au coaching et à l’entraînement, ce qui m’avait permis de passer mes diplômes d’état. Et une fois que j’ai eu mon brevet d’état, Michel Léger qui était le président de l’association à cette époque, m’a proposé un contrat de travail pour entrainer les équipes de jeunes de Cholet Basket. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à entrainer les équipes garçons, filles. Après, on m’a donné plus de responsabilités avec les meilleures équipes, à l’époque on avait une équipe fille qui a été Championne de France Minimes, après on a été Champion de France Minime Garçon. En toute modestie, il y a plusieurs titres, et je dirai qu’un titre en jeune, c’est toujours un titre qui laisse des souvenirs. Il y en a qui marque un petit plus. Il y a deux jeunes garçons qui ont disparu malheureusement, Jean-Paul Atticot et Matthieu Baudry. Donc lorsqu’on repense à ces générations-là, on a un petit pincement. D’autres ont continué leur vie, ont eu des enfants, une carrière etc. Malheureusement, d’autres sont partis plus tôt. Mais les titres sont tous aussi beaux les uns que les autres. Parce que c’est différent en Minimes et en Cadets comme le disait Régis (Boissié). En Minimes et en Cadets, c’est des générations locales. Après en Espoirs, Cadets France, c’est un peu différent parce que c’est des jeunes qui ont vraiment fait un choix, qui sont partis de chez eux donc c’est un peu différent. Mais ça reste des super souvenirs.
Y-a-t-il des joueurs qui ont dépassé tes attentes ?
Tous. Ça serait prétentieux de dire, « lui, je savais qu’il serait en NBA » (rires). C’est difficile d’envisager ça. Après, on ressent des choses quand on voit des jeunes jouer au basket. Mais il y a tellement de paramètres qui vont faire que, dans son évolution, est-ce que son évolution, l’environnement familiale va toujours être favorable, est-ce que son environnement proche à lui, ses amis, vont favoriser son éclosion ? Est-ce que son investissement va être le même ? Est-ce que sa motivation va être la même ? Est-ce que son évolution physique va faire que … ? etc. Il y a plein de paramètres. Mais c’est vrai que, si, intrinsèquement, dans la structure on arrive à faire que l’ensemble de ces paramètres puissent converger dans le bon sens, c’est important. Mais c’est prétentieux de dire « oui, je savais ». On ne peut pas dire ça.
De manière générale, que conseillerais-tu aux jeunes joueurs attirés par les sirènes de la NBA ? S’aguerrir en Europe ou filer dès qu’ils le peuvent outre-atlantique ?
Je pense qu’il y a ceux qui peuvent réussir tout de suite. Dans ceux qui sont partis récemment, on voit que Kevin (Seraphin), globalement, il s’en sort. Evan Fournier, on s’aperçoit qu’il démarre. Le parcours professionnel de Rudy (Gobert) n’est pas encore assez développé. Et son registre d’attaque mérite encore d’être plus affiné. Après, il a de l’ambition. Quelqu’un qui a de l’ambition et qui veut travailler, s’il est prêt à soulever des montagnes, il pourra faire comme les autres. Après, c’est du cas par cas. L’idéal serait, je pense, que la règle en Europe soit la suivante : il faudrait que les ligues Européennes et que la ligue nationale se mettent d’accord avec la ligue Européenne pour qu’un jeune joueur français ou de n’importe quel nationalité ne puisse quitter l’Europe qu’après 23 ans. Je pense que ça serait un bien à la fois pour les clubs français en ce qui nous concerne puisque ça nous permettrait quelque part de rentabiliser l’investissement et de profiter de faire que le club et la ligue profite du talent d’un jeune joueur, que ça profite au public, aux dirigeants, aux entraineurs, et puis à la médiatisation de notre championnat. Et puis il est évident qu’après 23 ans, le jeune joueur aurait acquis plus de compétences et d’expériences, et serait d’autant plus performant en arrivant en NBA pour celui qui va là-bas, ou dans un autre championnat européen. Et donc il arrive dans une autre configuration de championnat en étant plus performant. Donc je pense qu’il faudrait qu’il y ait un accord, une volonté bilatérale pour que ça profite à toute le monde, puisqu’à ce jour, c’est plus en la défaveur du basket français quelque part, malheureusement.
« La victoire va à l’équipe qui fait le moins d’erreurs » (Bobby Knight) il y a 20 ans, tu citais cette phrase dans un guide du CDF. Tu te rappelles de son auteur ? Aujourd’hui, quelle est ta philosophie dans le coaching ? Est-ce qu’elle a évolué au fil des années ?
Bobby Knight. Maitriser le jeu, faire le bon choix, ne pas faire de mauvaises passes etc. L’équipe qui fait les bons choix et qui maitrise son jeu. Qui dans ses choix offensifs et défensifs rend une équipe intelligente. Il faut avoir des joueurs qui soient dans cet esprit-là. Oui, la victoire revient à l’équipe qui fait le moins d’erreurs, c’est évident.
Quelles ont été tes modèles ?
A une époque, quand j’ai grandis à Cholet, j’ai eu Tom Becker, puis Jean Galle, qui m’ont marqué fortement. Après, tu regardes, tu t’inspires du basket, et des choix qui sont faits par les coaches dans les matches Pros. Samedi dernier, il y a des choix que font Jean ou Greg Beugnot dans leurs stratégies offensives qui sont intéressants, qui t’interpellent. Donc je pense que tous les ans, tu regardes du basket européen, tu es obligé, dans le milieu, dans l’environnement, comme dans l’environnement professionnel de n’importe quel individu, d’observer, de t’adapter. C’est vrai que lorsque j’étais jeune, j’ai été inspiré et très attiré par la philosophie du basket universitaire américain. Parce que c’était une référence à cette époque-là dans les années 80 et 90. C’est moins le cas maintenant. L’esprit a changé au niveau universitaire. Mais il y a des coaches qui sont encore présents : Dean Smith, Bobby Knight, Coach K, Roy Williams. Il y avait des équipes comme UNLV, comme Michigan. Chaque université avait une philosophie et un style de jeu. Donc c’était intéressant d’observer. Je récupérais des matches universitaires. Il n’y avait pas l’internet à ce moment-là. Donc il fallait se débrouiller autrement. J’arrivais à récupérer des quantités de matches et ça me permettait d’observer, de regarder du basket européen, français, américain.
La qualité la plus importante pour être un bon coach ?
Je pense qu’être coach, c’est un tout. Il y a la stratégie, mais après, il y a d’autres aspects. Mon travail, c’est d’amener des jeunes à pouvoir jouer au meilleur niveau des jeunes, c’est-à-dire au meilleur niveau du championnat Espoirs. C’est de leur permettre de pouvoir démarrer assez-tôt lorsqu’ils le peuvent. Certains l’ont fait un peu plus tôt. Je vois des garçons comme Carl, comme Nando. Des garçons démarrent un petit peu plus tard comme Kevin. Mais c’est d’être capable d’emménager un environnement qui soit propice au développement des uns et des autres, en fonction de leur évolution. Ils n’ont pas tous le même développement. Rudy n’a pas eu le même développement, Mickael c’était pareil… Il faut être capable de s’adapter et de permettre surtout de créer un environnement et de donner le temps et des priorités. La priorité c’est pas forcément toujours le résultat. Gagner un match, c’est important, mais dans une saison, ce qui est important desfois c’est de savoir donner du temps à un jeune sur un terrain, même si c’est un peu au détriment parfois de l’équipe, mais en sachant aussi que demain ça sera au profit du groupe. Un moment donné, il faut savoir, non pas affaiblir, mais prendre des risques, donner du temps en sachant que le temps qu’on « perd » à ce moment-là, ça sera demain du temps de gagné pour le futur, je l’espère, c’est la philosophie que j’ai toujours eu avec les jeunes.
Tu entraînes depuis plus de 20 ans, comment les générations ont-elles évolué au fil des années ?
Je dirai qu’à une époque, si on prend par exemple Mickaël Gelabale, Charles Michet etc. Quand on se déplacait en mini-bus, il y avait certainement un petit plus de vie dans le bus. Il y en a toujours, mais aujourd’hui il y a les écrans. Les garçons peuvent regarder un film etc. A cette époque-là on lisait, on dormait, on se taquinait, on se racontait des vannes, il y avait des garçons comme Mickaël qui pouvait chanter. Les garçons aujourd’hui ont toujours de la vie, mais la vie de groupe est différente. Elle n’est pas menée de la même façon. A l’époque où il n’y avait pas les ordinateurs ou les portables, on vivait différemment, on communiquait différemment. Il y a toujours de la cohésion, mais c’est différent. On va un peu moins vers les autres. Je pense que la vie de groupe est aujourd’hui moins intense. On peut discuter avec quelqu’un sur les portables etc. donc on échange moins autour de soi. La vie de groupe est moins riche qu’elle ne l’était avant. Il faut certaines fois imposer des règles comme à table : où les téléphones sont interdits. Le soir on met des règles parce que malheureusement à cet âge-là les ados ils ne savent pas toujours gérer leur quotidien.