ITW Kevin Seraphin : « Réussir une grande saison »
Que vous inspire ce nouveau défi à Indianapolis ?
J’ai parlé à Larry Bird (le président), au manager général (GM) et au coach, Nate McMillan. Ils m’ont dit les choses clairement et honnêtement. C’est une excellente opportunité et une situation idéale pour me relancer. Larry m’a dit qu’il appréciait les joueurs capables d’évoluer à plusieurs postes. Ils ne m’ont pas promis vingt-cinq minutes de temps de jeu mais ce qu’ils m’ont assuré, c’est que si j’étais en forme, je jouerais. Il n’y a pas de malentendu dans l’équipe car chacun connaît son rôle.
Quand je suis arrivé, j’ai vu qu’ils connaissaient mon jeu. Ils savent de quoi je suis capable. À New York, seuls Phil Jackson (le président) et Kurt Rambis (adjoint puis entraîneur pincipal) m’ont donné cette impression. J’étais juste un joueur parmi les quinze. Ici, c’est différent. Ils ont envie que j’avance et je me sens vraiment à l’aise. Le style de jeu prôné par Larry Bird (rapide, d’attaque), la philosophie de l’équipe et sa mentalité me conviennent parfaitement. En plus, ils croient énormément en moi. Je n’étais pas prêt à rester en NBA pour être un joueur parmi d’autres et passer une année sur le banc.
Vous avez été proche d'un retour en Europe, à Barcelone. Quel regard portez-vous sur vos six premières saisons en NBA ?
Quand je suis arrivé à Washington, je n’étais pas prêt à jouer en NBA. L’entraîneur en place, Flip Saunders, m’a expliqué clairement que tant que je ne parlerai pas anglais, je ne foulerais pas les parquets. Puis Flip a été viré et Randy Wittman a été nommé. Je considère que c’est à ce moment-là que pour la seule fois de ma carrière, on m’a vraiment donné ma chance. Je tournais à sept points (7,9) et cinq rebonds (4,9). L’été qui a suivi ma deuxième saison, mes dirigeants m’ont dit qu’ils pensaient que j’incarnais le futur de la franchise. Je ne suis pas allé en équipe de France, puis l’année d’après, j’ai commencé à moins jouer. Pourquoi ? Je ne sais pas. Plusieurs fois, le coach vient me voir. Je lui demande ce qu’il se passe, il me dit de continuer à travailler, que mon opportunité viendra, que la NBA est comme ça.
Ce qu'il faut savoir, c'est que chaque année à partir de ma deuxième saison, j’ai demandé un transfert. Et chaque année, c’était la même chose : "on t’aime, on ne veut pas te voir partir, t’as beaucoup de potentiel". Ils en sont mêmes arrivés à un point où ils ont dit : "Si on n’obtient pas un All-Star en retour, on ne lâchera pas Kevin". Le dernier été que j’ai passé à Washington, j’ai été opéré (au genou droit). Mon état ne me permettait pas d’aller en équipe de France. Je me suis préparé et lorsque la saison a débuté, j’étais prêt. La même année, Paul Pierce est arrivé. Ça a peut-être été la plus dure pour moi, car j’étais vraiment en forme. Mon temps de jeu fluctuait sans raison. Je parlais beaucoup avec Paul et John (Wall). Et ils ne comprenaient pas. Cet été, j’ai croisé un membre du staff des Wizards dans un restaurant new-yorkais. Il m’a dit "ton problème, c’est que tu as eu Randy Wittman". Les GMs draftent des joueurs que les coaches ne choisissent pas toujours. Qui se souvient du Nikola Vucevic de Philadelphie ? Sa vie a changé après son transfert à Orlando, comme Bledsoe (des Clippers à Phoenix) ou Biyombo (de Charlotte à Toronto). Bismack, tout le monde disait qu’il n’avait pas le niveau pour jouer en NBA. Ces gars ne sont pas devenus LeBron James. La NBA est une question d’opportunités. Nicolas (Batum) et Tony (Parker) l’ont eue tout de suite. Evan (Fournier) jouait peu à Denver avant d’exploser avec le Magic. Ian (Mahinmi) a connu trois équipes avant de signer son contrat à 64 millions.
Pour la première fois de votre carrière, vous vous êtes retrouvé libre à l'été 2015...
Je me suis dit que puisque les Wizards me retenaient depuis quatre ans, ils allaient m’offrir un contrat. Et ça ne me dérangeait pas de rester s’ils souhaitaient me prolonger. La free agency commence, et ils me proposent un plus petit contrat que l’année que je viens de passer (environ 3,9 millions de dollars). Ils ne m’ont jamais laissé partir mais ils ne se sont pas donné les moyens de me garder non plus. Je me demande toujours quelle était leur stratégie. J’étais déçu, frustré.
D’habitude, chaque été je donne tout. L’été avant New York, je n’ai pas travaillé plus que ça. Quand je suis arrivé, je n’étais pas en forme, pas prêt à jouer. C’est de ma faute. J’étais en surpoids, mon genou me faisait souffrir. Derek Fisher cherchait à déterminer sa rotation et je ne pouvais jouer qu’un match sur deux. Il m’a finalement mis de côté. J'ai perdu du poids au cours de la saison mais c'était trop tard. L'un de mes plus gros regrets, c'est que je n'étais pas moi-même, tant physiquement que mentalement. J'étais dans le négatif et ça s'est vu. Quand la saison s’est terminée, je n’ai pas pris de vacances. J'ai passé trois mois en France avec mon chef cuisinier, mon coach de shoot et Sébastien (Sébastien Morin, son coach personnel). J'étais en mission. Je suis prêt à enchaîner, je suis de nouveau moi-même.
Comment avez-vous vécu les critiques après vos deux forfaits en Équipe de France, pour l'Euro 2013 et la Coupe du Monde 2014 ?
Je n’avais jamais été confronté à ça. Avant, c’était Kevin Seraphin le prodige, tout le monde t’aime bien. On te trouve toujours des excuses quand tu fais quelque chose de mal, tu as tout le monde dans ta poche. J’ai presque eu l’impression, à un moment, d’être devenu le numéro un. Mais beaucoup de gens ignorent ce que se tenir devant un GM veut dire. Le gars contrôle un peu tout. Il n'y a qu'un joueur en France qui soit capable de tenir tête à son équipe, c'est Tony (Parker). Tu es obligé de suivre. C’est soit ça, soit t’es out. Je n’en veux pas aux gens. Quand j’étais en France et que je voyais certains joueurs refuser l’équipe nationale, je me disais "mais c’est des oufs ! Jamais de ma vie je ne le ferais". Mais quand le GM, le propriétaire et le coach commencent à vous mettre la pression, je peux vous assurer que peu font les malins.
C'est un peu de la faute de Washington si je me retrouve là aujourd'hui. Chaque été, j’ai fait exactement ce que l’on m’a dit, quitte à me mettre mon pays à dos. Ça n'a jamais été une question de niveau de jeu. Je me suis retrouvé pris dans une certaine forme de politique de contrats. Nenê et Gortat, tout le monde voyait que je leur tenais tête. Demandez à Paul Pierce ou à John Wall. Mais on ne m'a jamais exprimé clairement les choses. Et c'est l'une des premières conversations que j'ai eues avec Larry Bird. J'aurais pu être à un autre niveau et avoir un autre statut en NBA aujourd'hui. J'ai appris les leçons de l'été passé et je ne veux pas reproduire les mêmes erreurs.
Comment vous positionnez-vous par rapport aux Bleus, que vous n'avez plus connu depuis les JO 2012 ?
Mon objectif, c’est de réussir une grande saison, me relancer avec Indiana, et revenir en Équipe de France. On commence un nouveau cycle. J’espère être capable de réintégrer l’équipe. On ne m’a pas convoqué à l’Euro (2015) parce que j’avais raté les deux campagnes précédentes. Aux Jeux Olympiques, j’avais manqué les trois d’avant. Je m’en doutais un peu. J’ai compris la punition. La dernière fois que j’ai discuté avec Vincent Collet, c’était pendant les JO de Londres (2012), après notre défaite contre l’Espagne. Les contacts que j’ai eus avec l’Équipe de France, c’était Patrick (Beesley, le DTN) qui venait me voir. Je n’ai pas de problème avec Vincent. On a gagné, perdu, on a eu des hauts et des bas ensemble mais je trouve que c’est un très bon coach, un super technicien. Il pourrait être meilleur sur la communication, le contact avec les joueurs. Mais en tant que coach, je n’ai rien à dire. S’il estime que je peux apporter quelque chose à l’équipe, je serai là.
(Source : L'Équipe)