ITW Éric Micoud : " Il faut avoir les reins solides "
À 39 ans, trois ans après sa retraite sportive, Éric Micoud (20 sélections en Equipe de France) commence à récolter les fruits d’une reconversion qu’il a construite en se construisant un solide réseau. Un travail de longue haleine qu’il faut avoir la patience de mener.
En février 2011, sur le site du SNB, tu indiquais avoir débuté une formation à la Sorbonne (DU droit du sport) avec notamment l’espoir qu’elle t’aiderait à définir quoi faire par la suite. Cela a-t-il été le cas ?
La formation en elle-même, par rapport à son contenu, ne m’a pas apporté grand-chose. Le plus dur quand on arrête le basket c’est d’avoir une idée précise de ce qu’on veut faire. Moi je ne l’avais pas. Pendant un an et demi j’ai un peu végété chez moi. Commencer une formation m’a permis de sortir, de rencontrer des gens et de réactualiser mon réseau. Faire fonctionner mon cerveau, bien m’habiller, prendre le RER, m’a fait beaucoup de bien. Quand je discute avec des basketteurs en fin de carrière je leur explique qu’ils sont encore dans une phase où les gens viennent vers eux : les partenaires, les passionnés. La démarche est dans ce sens. Le plus dur c’est d’inverser cette démarche. On est vite oublié. Ça ne veut pas dire que les gens ne nous aiment plus mais c’est à nous d’aller vers eux. La formation m’a forcé à le faire, à discuter avec des étudiants aux parcours différents : des avocats, des juristes, des sportifs. On se rend compte que notre expérience de sportif plaît beaucoup et que les gens sont curieux du déroulement d’une carrière.
As-tu rapidement compris que le contenu n’était pas forcément adapté à tes besoins ?
Très vite. Cette formation était surtout complémentaire pour des gens déjà en place. En sortant j’avais des notions de droit du sport mais le diplôme n’allait pas me donner le droit d’exercer et d’être juriste. En revanche j’ai entretenu un réseau et c’était important sur un CV de montrer aux futurs employeurs que j’avais fait cette démarche de reprendre les études dans une bonne université, La Sorbonne. Nous avons également eu des intervenants prestigieux.
Tu avais évoqué en cours de formation la possibilité de devenir agent…
J’y ai pensé parce que j’ai un très bon contact avec beaucoup de joueurs. Je voulais travailler sur un groupe réduit de joueurs et les conseiller sur plusieurs domaines, travailler sur un plan de carrière, sans chercher à signer de nouveaux joueurs. Je me suis demandé si mon caractère allait passer dans un milieu où il ne faut pas hésiter à piquer des joueurs à quelqu’un que l’on connaît. Ça ne me correspond pas du tout.
Tes études américaines t’ont-elles aidé dans ta reconversion ?
Je n’ai pas été diplômé de Georgetown. Mais j’ai eu deux ans de crédit, c'est-à-dire deux ans de sociologie après le bac, que j’avais eu aux Etats-Unis. Je me rends compte que, même si j’ai poursuivi mes études, ce n’est pas le plus important. Bien sûr cela peut servir. Mais tout ce passe dans le contact, dans le relationnel. Je le répète aux joueurs : prenez-les les cartes de visite qu’on vous donne, intéressez-vous à ce que vous disent les gens. Dans tous les métiers c’est pareil : le réseau. Et nous avons la chance, nous sportifs, de rencontrer des gens de tous les niveaux et parfois très haut placés. Quand on joue on ne se rend pas compte de l’importance de ces rencontres.
Tu les avais prises les cartes de visite à l’époque ?
Non. Et cela m’a pris du temps pour renouer les contacts. Entre mon arrêt du basket et les choses intéressantes qui commencent à arriver, il s’est bien passé trois ans. Le temps de serrer les mains, de semer les graines et que ça pousse. Il faut avoir les reins solides. Une fois que les ASSEDIC se terminent, il n’y a plus rien et il faut piocher dans les économies quand on n’a rien de prévu. Au contraire je citerais Jérôme Monnet qui voulait être paysagiste et qui l’est devenu. Bravo. Moi je ne savais pas quoi faire. Même mon arrivée à Ma Chaîne Sport est un hasard. J’étais au bon endroit au bon moment. J’ai mis le pied là-dedans et j’ai commencé à prendre du plaisir à le faire. La chaîne avait assez d’un consultant avec Crawford Palmer. Un matin on me dit qu’on garde mon CV et le soir même Crawford est malade. C’est parti et j’ai travaillé deux ans avec MCS.
À la question quelle est ton activité professionnelle, que réponds-tu ?
Avec plaisir je mets : consultant télé. Grâce à Ma Chaîne Sport j’ai pu gagner en crédibilité. Cet été j’ai été contacté par BeIn Sport pour commenter le TQO et les Jeux. Je suis retombé sur Charles Bietry que j’ai connu comme dirigeant au PSG Basket. Les choses bougent.
Quelles sont tes autres activités ?
Je fais des interventions en entreprise. Je suis aussi ambassadeur à l’UNSS, une énorme machine qui me permet de rencontrer tout le monde. J’ai par exemple participé à la Journée Nationale du Sport avec madame la Ministre, Valérie Fourneyron. Il faut être capable de multiplier les interventions sans avoir de retour immédiat.
Quelle est la nature de tes interventions en entreprise ?
Je suis intervenu à deux reprises pour le groupe Swatch. Cela s’est très bien passé et ils m’ont recommandé pour une autre intervention avec un grand groupe international. Mes interventions étaient centrées sur ma prise de décision par rapport à mon parcours atypique. Partir à 16 ans dans un pays étranger. Etre un des premiers français à jouer dans une grosse fac américaine. Choisir de ne pas finir mes études pour revenir et gagner de l’argent. Mon statut de capitaine dans les équipes que j’ai fréquentées. La remise en question au moment de blessures. Autant de parallèles qui existent avec l’entreprise. Un contrat qui n’est pas obtenu c’est comparable à une blessure où il faut repartir de zéro ou presque. Le choix d’un gros contrat plutôt que de privilégier le résultat collectif qui se passe mal et qui permet de relever qu’il vaut mieux faire partie d’une équipe qui gagne parce que tout le monde en ressort grandi. Comment gérer un canard boiteux dans une équipe ? Les parallèles sont évidents.
Et quel accueil ces entreprises t’ont-elles réservé ?
La première intervention a eu lieu à l’Hôtel Crillon à Paris. Nous l’avons fait sous forme d’interview. J’étais face au directoire de Swatch, c'est-à-dire les directeurs de toutes les marques : Blancpain, Tissot, Omega… On ne savait pas si j’allais avoir beaucoup de questions et finalement, au bout d’une heure et demie, nous avons dû arrêter. La deuxième intervention a eu lieu au Trocadéro face à tous les franchisés. Une audience différente mais tout s’est très bien passé et à la fin de l’intervention une personne a levé la main pour me dire "Éric je venais à tous les matches du PBR". J’ai traversé la salle pour aller lui taper dans la main. Ça cartonne encore.
(Source : snbasket.com)