ITW Charles Kahudi (Villeurbanne) : « Je préfère dix fois le titre de champion au trophée de MVP »
Si l’ASVEL remonte au classement ces derniers, temps, c’est en grande partie grâce à Charles Kahudi, qui tourne à 22,5 d’évaluation depuis 4 matches.
Vous vous êtes imposés à Nanterre lors de la dernière journée dans une fin de match très indécise, qui s’est jouée dans la dernière minute. Est-ce d’autant plus satisfaisant ?
Ce sont des matches toujours importants à gagner parce que ça aurait pu se jouer à pas grand-chose. Un peu comme contre Chalon qui avait eu des tirs ouverts mais sans mettre dedans. Ce sont des matches bons pour la confiance, on montre un style de jeu pas mal en ce moment mais on peut encore faire mieux.
Le problème, c’est que maintenant Nanterre va vouloir se venger chez vous ce soir en demi-finale de Coupe de France. Vous attendez-vous à une grosse réaction de leur part ?
Forcément, ils seront revanchards. On les a surpris en début de match, ils ont pris des options défensives sur nous qu’on a réussi à punir d’entrée donc ils vont peut-être vouloir changer, nous rentrer plus dedans. A nous de trouver les solutions pour contrecarrer ça. Mais ça sera un match disputé parce que l’enjeu, c’est une place en finale, donc ça sera pour l’équipe qui en voudra le plus.
La mauvaise nouvelle du week-end, c’est la sortie sur blessure de David Andersen. Comment va-t-il aujourd’hui ?
Il s’est fait une petite entorse donc j’espère que c’est plus de peur que de mal mais il a pu trottiner avec nous à l’entraînement, on espère qu’il sera là ce soir.
Vous en êtes désormais à 4 victoires de suite en Pro A, dont des succès contre Chalon et Nanterre, des concurrents directs pour les playoffs. Penses-tu que l’ASVEL a retrouvé son meilleur niveau ?
Notre jeu est beaucoup plus cohérent, la balle vit plus et comme on a beaucoup d’armes qui peuvent s’exprimer dans l’équipe, on a besoin que le ballon circule. Donc c’est bien, mais on n’est pas encore à notre meilleur niveau mais on est en bonne voie pour se qualifier pour les playoffs.
Vous êtes 3e au classement à deux longueurs du leader, Strasbourg. Penses-tu la première place encore jouable d’ici la fin de saison ?
Vous savez la première place…Est-ce vraiment un objectif ? L’histoire prouve que le premier finit rarement champion donc être premier, c’est bien pour le prestige mais le plus important c’est le titre. On dit souvent qu’il faut être dans le Top 4 pour aborder les playoffs mais on ne regarde pas vraiment notre classement, plutôt notre manière de jouer. Etre premier de la saison régulière, ce n’est pas notre objectif.
Vous avez pourtant longtemps occupé cette première place avant un mauvais passage, notamment ces 4 défaites successives entre la 17e et la 20e journée. Rétrospectivement, comment expliques-tu cette mauvaise passe ?
On était plutôt pas mal en début de saison au niveau des victoires mais notre jeu n’était pas toujours au rendez-vous, on gagnait souvent des matches sur des scores étriqués. Et dès qu’on a eu des séries de blessures handicapantes, on n’a pas pu s’entraîner comme on le voulait, et avec la coupe d’Europe, on ne s’entraînait même dès fois pas du tout. On ne bossait pas comme il fallait et puis on a joué des gros ! Et les petites erreurs qui pouvaient passer contre des petites équipes ne passaient plus face aux grosses. Il a fallu progresser par rapport à ça, offensivement surtout.
On a beaucoup parlé du calendrier de l’ASVEL, avec ces défaites contre Chalon, Le Mans, Monaco, Gravelines, Strasbourg… Cela vous a fait prendre conscience que face aux meilleures équipes du championnat, vous n’aviez pas de marge ?
Pour ma part, j’ai souvent répété que peu importe contre qui, quand on a perdu c’est parce qu’on avait perdu notre identité, indépendamment des adversaires. Et derrière, c’est compliqué de relancer la machine, on l’a vu en FIBA Europe Cup quand on menait de 17 points avant de se faire reprendre. On a été dans un cycle négatif où on a eu des doutes, notre basket s’est délité. Aujourd’hui, après des tests contre Chalon et Nanterre, des équipes qui aiment jouer, on a réussi à faire des bons coups. Mais chaque équipe a envie de nous battre parce qu’on est l’ASVEL. La Pro A, chaque année c’est super homogène. Alors on peut parler de calendrier mais on a vu récemment Orléans battre Chalon, alors qu’il leur manquait pourtant trois joueurs importants. Le calendrier, c’est une chose mais les matches, il faut tous les jouer. Et tous les gagner. Nous, on a abordé les grosses équipes durant notre mauvais cycle mais j’espère qu’on va pouvoir démontrer qu’on peut être meilleur que ça.
Les rumeurs annoncent un possible renfort pour l’ASVEL, les noms de Johan Passave-Ducteil et Pooh Jeter ont même circulé à un moment donné. Penses-tu qu’un renfort serait souhaitable ou au contraire, qu’il ne faut pas perturber un effectif qui vient de retrouver son rythme ?
Si on trouve un joueur qui peut vraiment nous aider pour passer un palier, ce serait bien si ça peut nous aider à progresser. Mais le marché est un peu fermé en ce moment et il faut voir aussi avec le budget. Mais prendre un joueur pour prendre un joueur, ce n’est pas intéressant.
Quel type de profil alors ?
Je ne sais pas… On a parlé de Pooh Jeter, oui, c’est un meneur d’homme, un scoreur, un mec qui peut tuer les matches donc ça aurait pu être une bonne pioche. Son palmarès parle pour lui mais ça ne s’est pas fait. Un joueur dans ce profil peut être intéressant mais uniquement s’il peut nous permettre de passer un cap. Pour ma part, il faut qu’il y ait une plus-value parce que si c’est juste pour faire le nombre dans les rotations… On a des joueurs qui peuvent apporter dans le groupe, on a du personnel. Un mec comme Pooh Jeter, ce serait une grosse plus-value. Maintenant que ce dossier est clos, y a-t-il d’autres joueurs disponibles qui peuvent apporter une telle plus-value ? On peut se poser la question.
La bonne série de l’ASVEL coïncide avec tes bonnes performances individuelles puisque sur les 4 derniers matches, tu tournes à 18,0 points et 22,5 d’évaluation. L’ASVEL avait besoin d’un gros Kahudi pour retrouver les sommets ?
Ca fait partie des raisons qui m’ont fait venir ici, continuer à progresser. Je voulais vraiment apporter plus et le travail que font mes coéquipiers pour moi fait que je suis en confiance en ce moment. Mais c’est vraiment le collectif qui prime là-dessus parce que j’ai des bonnes situations et c’est plus simple de mettre des tirs ouverts que des tirs contestés. J’essaie de jouer juste même s’il y a encore des moments en demi-teintes.
Tu deviens même passeur puisque tu tournes sur la période à 4,0 passes décisives par match. Plus largement, tu n’as jamais autant passé la balle que cette année à l’ASVEL. C’est ce qui manquait à ton arsenal offensif, cette lecture de jeu ?
Oui, c’est clair. Je suis dans une équipe où le passing game est important parce qu’on n’a pas vraiment de joueurs capables de tuer le match en un-contre-un, donc le jeu de passe est primordial. Aujourd’hui, l’équipe joue beaucoup pour moi parce que j’ai la capacité de poster, de partir dans des drives ou de shooter donc c’est menaçant. Sur le jeu posté contre Nanterre par exemple, la défense est venue très tôt me trapper et comme on a beaucoup de joueurs prêts à shooter, des mecs qui ont une bonne patte, c’est facile de faire des passes.
Tu es aujourd’hui le leader statistique d’une des meilleures équipes de Pro A. A dix journées de la fin, penses-tu à la course au trophée de MVP ?
Non, pas vraiment, ce n’est pas le plus important. Moi, je cours après le titre de champion de France. En plus à l’ASVEL, le MVP c’est l’équipe. On n’a pas de mec qui prend plus de 10 shoots par match, pas de vrai go to guy, donc l’équipe est le MVP, elle est construite comme ça et c’est très bien comme ça. Je préfère dix fois le titre de champion au trophée de MVP.
L’actualité du basket en ce moment, c’est l’incertitude concernant le futur des coupes d’Europe. On a beaucoup entendu parler de dirigeants à ce sujet, pas trop de joueurs. En parlez-vous entre vous ?
Bien sûr qu’on en parle ! Moi j’ai joué l’Eurocup, la FIBA Europe Cup, l’EuroChallenge mais je n’ai pas encore joué l’Euroleague et j’aimerais la jouer un jour, c’est aussi pour ça que je suis venu à l’ASVEL parce que c’est aussi un club qui a les infrastructures pour prétendre avoir une place en Euroleague. Maintenant que tout ça est menacé, c’est vraiment une frustration parce que j’avais l’objectif d’y arriver avec cette équipe. J’attends de voir ce qu’il va se passer prochainement mais c’est sûr que ce serait une frustration pour moi, joueur international qui tend à vouloir se confronter au plus haut niveau de ne pas pouvoir jouer contre les meilleures équipes d’Europe. Jouer contre le Real Madrid, Barcelone, le CSKA Moscou… c’est quand même ce qui est intéressant.
En attendant, il va y avoir une fin de saison chargée avec notamment l’équipe de France qui va très vite enchaîner après les playoffs. Le jeu des contrats en NBA fait craindre l’incertitude quant à la présence de tous les joueurs français évoluant aux Etats-Unis, au moins pour le TQO. Est-ce une aubaine pour les joueurs comme toi, ceux qui évoluent en Europe ?
Je ne me pose pas la question parce que je me dis que de toute façon, le sélectionneur fera son équipe en fonction des joueurs qu’il a. Chaque année, on dit souvent que je serais coupé mais à chaque fois j’essaie d’apporter et ça fait quelques années maintenant que j’ai ce rôle de 11e, 12e homme et c’est sûr que quand tu es compétiteur, c’est frustrant d’être toujours sur le « cut. » Mais ça fait partie du jeu, on a la chance d’avoir un groupe France très important avec des joueurs qui progressent tous les ans. En fait, je pense que ce sera un casse-tête pour le sélectionneur d’avoir une équipe pour le TQO, et éventuellement une autre pour les Jeux Olympiques si on s’y qualifie. Je ne sais pas comment ils vont se débrouiller mais les mecs qui feront le TQO sans faire les JO derrière… Il va falloir être costaud pour l’accepter. C’est vraiment une situation particulière et je n’aimerais pas être à la place du sélectionneur.
Tu n’étais pas présent en Bleu pour les Jeux Olympiques de 2012 en revanche, on sait que ces dernières années, chaque fois que tu es venu en équipe de France, celle-ci a remporté une médaille. Les médias t’ont souvent qualifié de « porte-bonheur » d’ailleurs. N’en as-tu pas marre de cette réputation ?
Bien sûr que si ! Et j’ai déjà dit une ou deux fois que je n’étais ni un porte-bonheur, ni une mascotte. Je pense d’ailleurs que le prochain qui dira ça le sentira passer… Parce qu’ok, c’est sympa sur le coup mais je suis un mec qui fait son métier et qui apporte ce qu’il peut apporter à l’équipe. J’ai la chance d’avoir joué dans des équipes de France qui ont gagné des médailles mais en aucun cas je ne suis un porte-bonheur ni une mascotte en équipe de France.
(Source : LNB)