ITW Kevin Seraphin : « Devenir inarrêtable »

Les Wizards n’étant pas qualifiés pour les play-offs, Kevin Seraphin est de retour en France depuis quelques jours. Nous en avons profité pour rencontrer le pivot tricolore à Paris, lui qui fait la promotion d’un camp de basket qui se déroulera sur trois jours, du 29 au 31 juillet, en région parisienne, mais aussi en Guyane. «J’ai été détecté par un camp, en l’occurrence celui de Cholet Basket. Il y a du potentiel partout en France. Il faut juste faire sortir les talents. C’est par des camps que ça passe. Si je fais ça, c’est pour aider les jeunes, rendre ce qu’on m’a donné», nous a expliqué l’intéressé.
Pas pleinement satisfait de sa production en 2012-2013, Kevin Seraphin entend progresser dans les années à venir afin de s'inviter dans le cinq majeur des Wizards. L'intérieur tricolore fait le point sur ses ambitions, ses attentes et son équipe.
Kevin, vous avez décidé de ne pas participer à l’EuroBasket 2013…
Oui. Après mûre réflexion, j’ai pris la décision de décliner l’invitation de l’équipe de France pour cet été. Les Wizards ont des ambitions. On a changé beaucoup de joueurs avant le début de la saison 2012-2013. Il y a un gros projet. L’objectif, c’est vraiment de viser les play-offs maintenant. Je fais partie du projet. Mon intention est de me développer, de devenir aussi bon que possible. A part ça, après avoir discuté avec les dirigeants de Washington, on m’a clairement fait comprendre que ce serait bien que je reste. Je suis d’accord avec eux. Je pense que ce serait mieux que je passe l’été à travailler mon jeu. En plus de ça, je rentre dans une période transitoire en ce qui concerne mon contrat. La saison prochaine sera donc très importante pour moi (Ndlr : Kevin Séraphin sera restricted free-agent au terme de la saison 2013-2014). Voilà pourquoi j’ai pris cette décision.
Si vous aviez été le seul décideur quant à votre participation à l’Euro, seriez-vous venu ?
Oui. Maintenant, si je n’étais pas dans ma dernière année de contrat, si je n’avais pas eu à travailler… Il y a plein de choses. Il y a la saison que j’ai faite aussi. Je jouais beaucoup au début et j’ai perdu du temps de jeu au fur et à mesure quand même. J’ai encore beaucoup de choses à prouver, que ce soit à Washington, à la Ligue, voire au monde entier (rires). J’ai encore beaucoup à prouver. J’ai vraiment envie de faire une bonne quatrième année en NBA. Après, s’il n’y avait eu que moi… Les autres années, je suis venu. Et l’année prochaine, je compte bien retourner en équipe de France. Mais cet été, il faut que je travaille.
Il ne fait donc aucun doute dans votre esprit que vous vous rendrez de nouveau disponible pour les Bleus dans les années à venir ?
Oui. Je me dis que j’ai 23 ans. J’ai encore (il réfléchit) dix, douze ans d’équipe de France (sourire). Je me dis que je peux sacrifier une année pour revenir plus fort la suivante. Je sais que je vais revenir. D’ailleurs, c’est pour ça que j’ai cherché à être «réglo» avec l’équipe de France. Je l’ai dit à Vincent (Collet) dès qu’il est venu me voir aux Etats-Unis. Je n’ai pas appris aux gens (de l’équipe de France) que je ne viendrai pas par Facebook. Le coach savait qu’il y avait un doute. Il y a également eu une lettre officielle de mon agent (Rich Paul). Mon GM (Ernie Grunfeld) et tous les dirigeants ont dit qu’il y avait un doute. Je n’ai donc pas appris la nouvelle aux gens par les réseaux sociaux.
Pour revenir au message que vous aviez posté sur votre page Facebook, on sentait une certaine amertume dans vos propos…
Je ne dirais pas que c’était de l’amertume. J’ai été (il réfléchit), un peu choqué disons. Choqué de voir comment le fait que je ne venais pas a pu être mal tourné alors que j’étais là les années précédentes. Je suis venu en 2012 et en 2011 avec les A. J’aurais participé à la campagne 2010 si je ne m’étais pas blessé (Ndlr : au genou). Et avant cela, j’étais en moins de 20 ans. Donc ça m’a un peu choqué de lire des propos tels que «Kevin Seraphin n’aime pas l’équipe de France», ou bien encore «Kevin Seraphin n’a pas l’amour du maillot». J’ai même vu un commentaire qui disait que je ne connaissais pas la Marseillaise (rires). Ça partait un peu dans tous les sens (rires). Alors que tout cela est faux. C’est juste que je suis quelqu’un d’ambitieux. J’ai envie d’être en NBA. J’ai envie d’y faire quelque chose. Je n’ai pas envie d’être le genre de joueur qui joue quatre ans dans cette Ligue, qui rentre chez lui tout de suite et qui reviendrait jouer en Pro A. Attention, je n’ai rien contre la Pro A. Mais voilà, je ne veux pas être ce joueur-là. J’ai envie de rester en NBA, de me faire un nom, de gagner. Même si je suis dans une équipe qui perd en ce moment (Ndlr : les Wizards ont terminés 12es à l’Est, avec 29 victoires pour 53 défaites). Mais toutes les équipes ont leurs phases. D’ailleurs, on a beaucoup moins perdu à la fin de la saison… Il y a un projet à Washington. Ça a l’air sérieux. J’ai été honnête avec l’équipe de France. Je n’ai pas cherché à faire «galérer» le staff, à faire perdre son temps à tout le monde pour dire au dernier moment : «je ne viens pas». Ça n’aurait pas été «réglo». Or, je suis quelqu’un de «réglo» et je préfère dire clairement les choses.
Patrick Beesley, le directeur de l’Equipe de France, expliquait récemment dans un communiqué qu’il ne vous fermait pas la porte et qu’il espérait tenter de vous convaincre à la fin du mois de mai. Mais votre décision semble irrévocable…
Oui, la décision est prise. C’est sûr que je vais passer l’été à me développer. Maintenant, tout ce que j’espère, c’est revenir encore plus fort. C’est tout. Je vais travailler cet été. Je ne fais pas ça par orgueil ou pour prendre des vacances. Des vacances, j’aurais eu le temps d’en prendre avant le début du stage de l’équipe de France. J’ai pris cette décision parce qu’il faut que je travaille et que c’est vraiment la meilleure chose à faire pour moi cette année.
N’avez-vous progressé durant vos deux campagnes avec les Bleus ?
Si, c’est sûr. Il n’y a pas de doute. J’ai progressé et ça m’a permis de voir plus de jeu. En plus ça fait du bien d’être dans une équipe et de gagner tout l’été. La plupart des joueurs sont devenus mes potes. Chaque fois qu’on se croise en NBA, on va manger ensemble, on passe du temps ensemble. Il y a une bonne ambiance au sein du groupe. C’est sûr que ça m’a beaucoup aidé. Au niveau du jeu, j’apprends beaucoup à être au contact de joueurs comme Tony (Parker) ou Boris (Diaw). Par rapport au quotidien en NBA, c’est différent dans le sens où on est vraiment en immersion avec le groupe pendant deux mois. On est tous ensemble tout le temps. Là, ça m’a permis de progresser à ce niveau. Et puis c’est du fun aussi.
Donc les Bleus vous ont permis de progresser dans certains domaines, mais vous avez besoin d’autre chose cette année, quelque chose de plus individuel…
Oui. Je veux progresser. Et travailler avec les Bleus ou individuellement, ce sont deux choses très différentes. Je veux me développer au poste, au rebond, me concentrer sur moi. Me connaissant, je serai plus concentré sur le fait de faire avancer l’équipe avec la sélection. Je l’avais dit à Tony Parker : «Je suis ton soldat, je ne suis pas là pour briller, mais pour faire briller l’équipe». Mais le but pour moi cet été, c’est de plus me développer.
Quel sera votre programme pendant l’intersaison ?
Mon coach m’appellera, moi et d’autres joueurs. On sera obligé d’être à Washington pour travailler à certains moments. En fait, je serais la plupart du temps à Washington. Mais j’ai tout un programme à respecter. J’envisage par exemple de travailler avec Hakeem Olajuwon. Après, je verrai au fil de l’été. J’ai pas mal de contacts, donc je vais étudier cela.
Vous avez terminé la saison régulière avec des moyennes plus qu'honorables (9,1 pts, 4,4 rbs, 21,8 min/match). Pourtant, les observateurs américains estiment en règle générale que vous avec déçu en 2012-2013. Quel est votre sentiment ?
Déjà, je ne dirais pas que j'ai régressé. J'ai même progressé depuis la saison précédente. Maintenant, la situation était différente de la fin de saison 2011-2012 (Ndlr : Kevin Seraphin avait eu beaucoup de temps de jeu en raison du départ de JaVale McGee et de l'indisponibilité de Nenê). Nenê est revenu et Emeka (Okafor) est arrivé. Il a d'ailleurs fait une très grosse saison. Il a commencé moyennement, mais il a fini fort. Il y a plein de choses qui sont entrées en ligne de compte. On avait tradé beaucoup de monde, ce qui avait créé beaucoup d'espace pour moi. J'ai pris la saison qui vient de s'achever comme une année lors de laquelle j'ai progressé, j'ai appris beaucoup. En fait, c'est ma première saison complète. Je n'avais pas joué en 2010-2011 (Ndlr : 10,9 minutes/match, 58 matches). En 2011-2012, il y a eu le lock-out (Ndlr : 20,6 min./match, 57 matches). Donc j'apprends. Maintenant, c'est vrai qu'on attendait peut-être plus de moi. J'attendais même peut-être plus de moi aussi. Mais la réalité est là : ça reste la NBA. Mon but, c'est de devenir le meilleur. Je ne le suis pas encore. Il faut travailler pour cela, c'est tout.
Travailler sur l'agressivité pour prendre plus de rebonds par exemple ?
Il faut d'abord que je travaille sur moi, mon corps. Il faut que je sois capable d'être en activité tout le temps si je suis sur le terrain 30 minutes. Je suis parfois en activité 5 minutes avant de ressentir la fatigue… Je veux être capable d'enchaîner, d'être une machine sur le terrain si je peux m'exprimer ainsi. Quand on ressent la fatigue, on réfléchit moins, on perd de la lucidité. Je veux être capable d'enchaîner et d'être actif 30 minutes d'affilée sur le terrain. Après, je pense que tout va suivre, le rebond y compris. Je vais aussi travailler mon jeu au poste durant l'été. Comme je le disais précédemment je vais peut-être aller voir Hakeem Olajuwon. Je vais tout faire pour être meilleur au poste et devenir inarrêtable, tout simplement.
D'ailleurs s'il y a un secteur sur lequel vous avez objectivement régressé, c'est l'adresse (53,1% aux tirs en 2011-2012, contre 46,1 en 2012-2013)…
Pour le coup, je ne pense pas que ce soit un problème physique. J'ai progressé sur mon shoot. Je travaille dessus à l'entraînement, donc ce n'est pas pour ne pas en prendre en match. Surtout qu'on m'avait attribué des tickets-shoots en début de saison. Après, j'ai beaucoup tiré… J'ai eu tendance à m'écarter (du cercle) et aussi, parfois, à faire de mauvaises sélections de shoots. Ce que j'ai un peu corrigé en fin de saison. C'est une chose sur laquelle il faut évidemment que je continue à progresser encore, ma consistance, mon pourcentage.
Vous avez connu un trou d'air courant février, avec un temps de jeu réduit et même quelques matches où votre coach n'a pas fait appel à vous du tout. Comment avez-vous appréhendé cette passe difficile ?
Ça a été le coup dur de ma saison. Ça a commencé par une grippe, puis un petit problème au genou, de petites choses comme ça qui m'ont ralenti. C'est la NBA. La réalité est là. Le coach veut des joueurs qui sont efficaces sur le terrain. Forcément, si je joue moins bien, il met quelqu'un d'autre à ma place. Bref, tout cela a fait que j'ai perdu du temps de jeu. Il fallait que je continue à travailler et que je montre que j'avais envie de revenir.
Comment vivez-vous la concurrence avec Nenê et Emeka Okafor ?
Déjà, je ne le prends pas mal. Je m'en sers pour avancer. La pire chose à faire dans cette situation, ce serait de me lamenter, de me dire que je suis derrière eux et que je n'ai aucune chance. Ce n'est pas ça du tout. Au contraire, je me dis qu'Emeka peut m'apporter beaucoup en défense, et Nenê beaucoup en attaque, sur sa vision de jeu. J'ai la chance d'avoir deux gros «big men» devant moi, deux joueurs très différents. Je cherche à apprendre d'eux. Mon but, évidemment, c'est de prendre l'une de leurs places. C'est la même chose qu'en équipe de France (Ndlr : Kevin Séraphin avait déclaré qu'il ambitionnait de chiper la place de titulaire en Bleu à Joakim Noah ces derniers mois). Ce sont les mêmes ambitions, prendre une place. N'importe laquelle des deux d'ailleurs (sourire). Mais en tout cas en prendre une.
Quel type de joueur vous voyez-vous être d'ici cinq-six ans ?
J'espère devenir un joueur dominant, des deux côtés du terrain. Je pense vraiment que je peux le faire, être un gros défenseur et un grand attaquant à la fois. J'aimerais que les autres joueurs arrivent à Washington en se disant : «merde, il y a Kevin Seraphin».
Comment vous sentez-vous à Washington ?
Bien ! J'adore la ville, j'adore l'équipe ! Je me sens bien, de mieux en mieux. Mon but, c'est de rester là-bas pour l'instant. Il faudrait qu'on gagne et qu'on fasse les play-offs. Mais si cela arrive, je ne vois pas pourquoi je bougerais. Je suis dans une équipe qui peut faire quelque chose. Je suis ambitieux. Je suis tout le temps à la recherche du challenge. Je fais partie des trois joueurs les plus anciens de l'équipe, avec John (Wall) et Trevor (Booker). Ça fait trois ans que je suis là. Quand je suis dans l'équipe, je sais que c'est la mienne. Pourquoi partirais-je dans une équipe où tout est déjà en place ? Autant construire quelque chose ici.
Les Wizards ont terminé la saison en trombe, notamment après le retour aux affaires de John Wall, longtemps blessé. Vous devez forcément avoir des regrets concernant les play-offs, qui étaient tout à fait à votre portée…
J'ai forcément des regrets… Je me dis que si on avait commencé la saison comme on l'a finie, on aurait accroché une place en play-offs, c'est certain. Il y a eu des choses qui échappaient totalement à notre contrôle, comme les blessures de John (Wall), de Nenê… Beaucoup de choses nous ont freinés. Ça n'a pas été évident. On s'est rattrapé sur la fin. Il faut qu'on s'inspire de cette fin de saison pour enchaîner au début de la prochaine.
L'objectif pour la saison prochaine serait de commencer par être en situation pour fêter votre 24e anniversaire (Ndlr : Kevin Seraphin avait refusé de fêter son dernier anniversaire en raison des mauvais résultats de son équipe à ce moment-là)…
(Rires) Oui. C'est sûr. En tout cas, j'espère qu'on fera un meilleur départ que la saison dernière, un bon training camp et que l'équipe fera un bon recrutement, une bonne Draft. A nous, les joueurs, de faire le reste sur le terrain.
Vous évoquiez la Draft à l'instant. Un nouvel ex-Choletais arrivera en NBA la saison prochaine, Rudy Gobert. L'ambition est-elle de placer un ancien du CB dans chaque équipe de la Ligue ?
(Rires) Voilà, c'est ça ! C'est aussi le cas chez les Bleus d'ailleurs, puisqu'il y a Fabien Causeur, Nando de Colo, Mike Gelabale, Rudy Gobert s'il vient, sans compter Rodrigue Beaubois. Blague à part, c'est vrai qu'il y aura effectivement un nouveau Choletais en NBA. Et un nouveau Guyanais aussi, Livio Jean-Charles. Je suis content pour Rudy. On verra comment ça va se passer.
Comment imaginez-vous ses débuts en NBA ?
Je ne dirais pas qu'il est prêt dès maintenant. Je me souviens que quand j'ai décidé de quitter Cholet pour la NBA, beaucoup de gens m'ont dit que je n'étais pas prêt, etc… Mais je faisais la sourde oreille. Aujourd'hui, je me rends compte que je n'étais pas prêt lors de ma première année. C'était dur. Je me rends compte que c'est dur. L'Euroligue (Ndlr : avec Vitoria pendant le lock-out) et le championnat d'Europe 2011 m'ont beaucoup aidé. La mentalité que j'avais quand je suis arrivé en NBA et celle que j'ai maintenant sont très différentes. Maintenant, je pense qu'il va travailler et s'adapter. Et je le connais, il travaille. Ça viendra. Je ne m'inquiète pas. Physiquement ? Ils (en NBA) vont le faire travailler.
Et Livio Jean-Charles ?
Physiquement, pour un ailier, il est grand, costaud. Dans ce domaine, je dirais qu'il est plus prêt que Rudy. Au niveau du basket, je ne sais pas comment ça va se passer. Mais encore une fois, il y a certains joueurs extérieurs NBA à qui il n'aurait rien à envier sur le plan physique.
Vidéo : L'interview décalée
(Source : Sport24.com/lefigaro.fr)
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